Destins du granite : Goethe, Saussure, Ruskin, par Claude REICHLER

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Cette conférence, prévue pour la saison 2020-2021, et reportée en raison de la pandémie de Covid-19, ne sera finalement pas donnée.
M. Reichler donnera une conférence sur un autre thème le 10 janvier 2022.

La conférence mettra en résonance certains aspects de la géologie avec la littérature et l’art, en confrontant trois descriptions historiques du granite : celle de Goethe dans un court texte intitulé « Sur le granite » (1784) ; celle de Horace-Bénédict de Saussure dans ses Voyages dans les Alpes (1779-1796) ; et celle de John Ruskin dans Modern Painters 4 (1856). Chez Goethe domine l’antique réputation du granite, la roche « la plus ancienne, la plus constante, la plus inébranlable ». Cette certitude, renforcée par les idées de Abraham Gottlob Werner, grande figure de la théorie neptuniste, s’éprouve durant ses excursions dans le Harz. Saussure, lui, questionne les déplacements des pierres, les « cailloux roulés » des rives du Léman et les blocs erratiques des vallées. Les granites tombés des sommets, pense-t-il, ont été déplacés sous l’effet d’immenses cataractes vers les cavités creusées sur ou sous la surface terrestre, lors d’une « révolution » géologique. John Ruskin, grand explorateur du massif du Mont-Blanc, est fasciné par la beauté que l’érosion confère aux roches. Dans sa pensée se rencontrent l’influence de Saussure, celle des géologues anglais, et sa passion pour les paysages de Turner. Il veut montrer la beauté des montagnes à travers une description minutieuse et sensible des fractures et des cassures du granite. Le thème profond qui irrigue sa pensée, et que sa vision des granites illustre, c’est le passage du temps, l’usure du monde. 

Notice bio-bibliographique
Docteur de l’université de Genève, Claude Reichler est professeur honoraire à l’université de Lausanne. De La Diabolie (Minuit, 1979) à L’Âge libertin (Minuit, 1987) et à « La littérature comme interprétation symbolique » (L’Interprétation des textes, Minuit, 1989), il a été un témoin du passage du poststructuralisme à l’histoire de la culture. Pratiquant une approche interdisciplinaire orientée vers les rapports entre texte et image, dialoguant avec l’anthropologie, l’histoire et la géographie, il a fondé, avec quelques collègues, le Centre des sciences historiques de la culture (SHC). Travaillant sur la littérature de voyage, il a publié avec l’historien Roland Ruffieux, l’anthologie Le Voyage en Suisse, (Laffont, « Bouquins », 1998) ; il a dirigé le projet « Le bon air des Alpes », une histoire culturelle de l’air d’altitude, financé par le FNS ; avec Daniela Vaj, il a créé la base de données Viatimages et signé plusieurs produits multimédias, notamment le site Wonderalp. Historien du paysage alpin attentif à la géographie littéraire, il montre l’importance de l’ancrage géographique et de la pluralité des sens dans le paysage (La découverte des Alpes et la question du paysage, Georg, 2002 ; Les Alpes et leurs imagiers, PPUR, 2013). 

Horace-Bénédict de Saussure, Frontispice, page de titre de l’« Essai sur l’histoire naturelle des environs de Genève », in Voyages dans les Alpes, vol. I, Neuchâtel, 1779, BGE-Viatimages [remerciements pour la mise à disposition à titre gracieux]

John Ruskin, « The Aiguille Charmoz », Modern Painters 4, Pl.30, hors texte, in Works of John Ruskin, vol VI, London, 1903-1912 BGE-Viatimages [remerciements pour la mise à disposition à titre gracieux]